Déprimes et dépressions post-retour

par | Fév 10, 2017

Qu’est-ce que la dépression post-retour ?

La dépression post-retour est l’une des manifestations, plus ou moins fortes selon les individus de l’ajustement identitaire qui se produit lors de toute transition de la vie. Cet ajustement correspond à une période assez longue pouvant s’étaler sur plusieurs années avec une phase émotionnellement plus intense lors des premiers mois.  Certains n’y seront pas du tout sujet (environ 30 à 40% de la population, en fonction des publics étudiés), tandis que certains (entre 70 et 60% de la population) l’éprouveront sous forme de légère et passagère déprime tandis que d’autres, en fonction de leur trajectoire personnelle, familiale et sociale, pourront connaître une réelle dépression.

Attention, la dépression est une maladie. Elle se distingue du « blues » ou d’un simple coup de déprime. Elle doit être prise en charge par un professionnel de santé sans attendre, et faire l’objet d’un diagnostic professionnel (pas d’auto-diagnostic). Consultez votre médecin traitant à défaut d’autre praticien, qui vous orientera vers un psychiatre. Si vous n’avez pas ou peu de ressources financières, sachez que les CMP (Centre Médicaux Psychologiques) proposent des consultations gratuites partout en France à tous les bénéficiaires de la sécurité sociale, qui est désormais universelle pour toutes les personnes résidant en France de manière stable.

Tout ceux qui reviennent en France ne font pas de dépression (et heureusement). Pour certains, il peut y avoir un « coup de mou » lié à une transition brutale entre deux environnements et deux rythmes de vie, le tout pouvant être amplifié par la fatigue et le stress. La dépression décrit un état dépressif qui dure plusieurs semaines, plusieurs mois, et pendant lequel la personne se ferme complètement au monde extérieur dans un état de souffrance que rien ne soulage vraiment.

Cette phase peut être vécue assez durement par beaucoup d’expatriés et d’immigrants qui reviennent chez eux, surtout lorsque le retour n’a pas été souhaité ni préparé avec soin. Les personnes qui reviennent d’un tour du monde ou d’un voyage touristique de plusieurs mois peuvent également faire l’expérience de la dépression post-retour.

Le retour chez soi symbolise une forme de retour “à une certaine réalité” qui n’était plus la nôtre pendant des mois voire des années. Il peut s’accompagner d’une profonde crise identitaire et d’une remise en question intime de l’être pendant laquelle les personnes ressentent le besoin de se couper de ce nouvel environnement non désiré, afin d’en atténuer les effets dévastateurs. Comme toutes les dépressions, la dépression post-retour naît de ce décalage intérieur puissant, de cette déchirure causée par une double appartenance, une double identité, presque une double vie dont on ne peut exprimer pleinement toutes les dimensions.

Comme toute transition, le retour implique un travail intérieur très puissant sur l’identité, l’ancrage et l’appartenance.

On ne le dit jamais assez, mais le retour d’expatriation ou de long voyage est associé à un deuil sur le plan psychologique et il s’accompagne de toutes les émotions parfois violentes, sinon fortes, qui accompagnent toute perte. Le sentiment de vide, de manque, la nostalgie, la conviction que la vie d’ici a tord et que celle d’ailleurs a raison, peuvent être de puissantes épreuves à surmonter, surtout lorsqu’elles se mêlent à un sentiment confus de culpabilité ou de honte face à l’incompréhension de l’entourage non expatrié.

Quelles manifestations?

Comme pour toutes les dépressions, la dépression post-retour peut se manifester par différents symptômes physiques et psychiques dont l’intensité varie au grè du temps et en fonction des personnes. Le « mal du nomade » a ceci de particulier que parfois le mal est insaisissable, diffu, flou, et qu’il est donc difficile d’en décrire les symptômes à quelqu’un, même un spécialiste. Certaines personnes sont davantage exposées du fait d’une vulnérabilité plus grande (facteurs génétiques, historique médical, traumatisme…). N’oublions pas que la dépression est avant tout un déséquilibre chimique au sein du cerveau.

– hypersomnie ou insomnie chronique, troubles du sommeil,
– tristesse profonde, vague à l’âme, sentiment de lourdeur, perte d’espoir, passivité face au quotidien,
– perte de l’appétit ou crises boulimiques inhabituelles,
– isolement, repli sur soi, désintérêt pour les loisirs habituels et les activités du quotidien,
– absence de projections vers l’avenir, démotivation personnelle,
– irritabilité, sautes d’humeurs, crises nerveuses alternées avec de longues périodes de léthargie,
– sentiment d’impuissance, de culpabilité, de honte, perte de l’estime de soi,
– dans les cas les plus sérieux : haine de soi, pensées noires allant jusqu’aux idées suicidaires, auto-mutilations…

Expérimenter l’un ou plusieurs de ces symptômes lors du retour de manière passagère n’est pas forcément synonyme de dépression, mais de déprime temporaire tout à fait naturelle et normale lors d’un changement brutal de mode de vie (sauf le dernier symptôme, plus alarmant). La dépression s’installe lorsque plusieurs de ces manifestations se combinent et perdurent dans le temps, entraînant un état de mal être handicapant et une souffrance qui s’intensifie. Il devient alors plus difficile de s’en sortir par soi-même, la dépression étant un cercle vicieux qui conduit la personne atteinte à s’en vouloir de plus en plus, à culpabiliser d’être dans cet état et à s’isoler graduellement pour dissimuler ce qu’elle considère comme une faiblesse.

Quelles solutions?

Au moindre doute, ne laissez pas le mal s’installer. Si vous avez un proche que vous sentez un peu à la dérive, n’attendez pas pour agir. Il faut impérativement voir un psychiatre et/ou un psychologue sans tarder. La prise de médicaments n’est pas une fatalité, elle peut aider grandement certains patients qui ont du mal à fonctionner au quotidien. En tous les cas, elle doit se faire de manière supervisée par un professionnel (psychiatre), sérieusement et associée à une psychothérapie. C’est une démarche globale de soin qu’il faut entreprendre.

Comme pour toutes les conditions psychologiques, le fait d’être informé et bien préparé à l’avance permet de rapidement identifier le mal lorsqu’il s’installe et d’agir sans attendre que la dépression prenne de l’ampleur. Il est tout à fait possible au sein d’un couple ou d’une famille qui rentre en même temps de voir différents états d’esprit, l’un pouvant être très déprimé et l’autre plutôt enthousiaste, ce qui crée des tensions. Lorsque tous les membres de la famille ou du couple passent par une dépression post-retour, il faut redoubler de vigilance et se faire immédiatement accompagner par un professionnel afin de ne pas s’entraîner mutuellement vers le bas. Les enfants seront notamment très sensibles à l’état mental de leurs parents et doivent faire l’objet d’une attention particulière.

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